samedi, mars 18, 2006

DAVDSI: encore une exception française...

Le débat sur la fameuse loi sur les Droit d'Auteur et les Droits Voisins dans la Société de l'Information (DADVSI) continue de faire parler de lui. Or, que voyons-nous au cours de ce débat ?
Des principes dangereux pour l'industrie informatique et en particulier le monde du logiciel libre. Des ministres et des élus dont l'absence de connaissance d'Internet et de compétences en informatique est telle qu'elle les met à la merci de n'importe quel argument fallacieux colporté par les représentants de l'industrie musicale, lesquels considèrent les nouvelles technologies comme leur pire ennemi.
Une loi qui prend des allures d'usine à gaz et se dirige progressivement vers la fin de la copie privée en France. Des articles confirmant l'adage "deux poids, deux mesures" : les distributeurs de contenu en ligne seront tenus de divulguer leurs procédés techniques de protection (les fameux DRM) à des fins "d'opérabilité", selon un système de licences laissé à la libre appréciation de l'industriel. En gros, le petit programmeur qui développe des logiciels libres ou des freewares pour le bien de la communauté devra payer le prix fort pour intégrer la lecture de fichiers protégés dans son programme. Autant dire que le logiciel gratuit est menacé d'extinction. Du moins en France.
Cette disposition menace accessoirement Apple et son iTunes Music Store, comme le signale l'Expansion : un morceau téléchargé sur le site d'Apple ne peut être lu que sur un iPod. Or, le texte autorise le contournement des mesures techniques de protection quand celles-ci constituent une entrave à l'interopérabilité.On voit mal Apple se laisser déposséder des titres qu'il distribue en France. Devra-t-il fermer son Music Store en France ?
Pire : comme le signale un responsable de Sun, un logiciel comme le serveur Web Apache ou le bon vieux ftp peuvent parfaitement servir à diffuser des fichiers protégés... Faut-il les interdire ? Mieux : comme il s'agit de logiciels libres, leur code source est naturellement public. Devra-t-on en finir avec cette pratique, c'est à dire proclamer la mort du logiciel libre en France. Belle perspective pour le pays de la Liberté...
Continuons. Le texte parle de "droits d'auteur". Ce sont les maisons de disques et les industriels de la musique qui imposent leurs règles, et non les auteurs ou les artistes...
Soyons clair : aujourd'hui, la vente de musique enregistrée ne représente qu'une petite proportion des revenus des musiciens qui vivent essentiellement des concerts. La musique enregistrée fait surtout vivre les maisons de disque, ce qui explique leur attitude dans ce débat.
Ce n'est pas une poignée de pirates que cette loi prétend contrôler et punir, mais bien les internautes, c'est à dire les consommateurs.
Comme le signale Philippe Astor, l’OMPI (Organisation mondiale de la propriété intellectuelle) travaille déjà à "étendre les droits des diffuseurs aux dépends des droits d’usage". Peu à peu, les groupes industriels, diffuseurs, éditeurs et producteurs, s'arrogent "des droits de propriété intellectuelle sur un patrimoine universel appartenant à tous"... C'est évidemment le coeur du débat.
Seule consolation: cette affaire aura permis à des milliers de jeunes de s'intéresser au débat politique, de voir en quoi consiste le travail des députés... et, partant, à quoi peut servir le droit de vote. On peut penser qu'avec l'histoire du CPE, lesdits jeunes auront une petite idée des candidats à éviter aux prochaines élections.

7 Commentaires:

Anonymous Anonyme a écrit...

Le texte de Donnedieu a toujours été mal foutu, et à force d'être retravaillé, il est devenu extrêmement confus et auto-contradictoire (ce qui permet d'ailleurs d'espérer que le conseil constitutionnel en fasse du petit bois). Cela étant, prétendre qu'on pourrait se fonder sur lui pour interdire la diffusion en France d'Apache et ftp n'est pas sérieux. D'abord parce que c'est totalement impratiquable, mais aussi parce que la loi interdit la diffusion des logiciels *sciemment* mis au point pour la diffusion de contenus illégaux. Il n'est pas sûr qu'on puisse jamais établir une telle intention coupable pour les softs de P2P, mais c'est totalement exclu pour Apache et ftp, qui étaient déjà d'usage extrêmement courant avant même l'invention du MP3.

Les députés ont fait sur la question un travail relativement sérieux. Paul et Bloche ont fait du bon boulot, mais ils sont dans l'opposition et ils n'est pas étonnant qu'ils aient cherché des poux dans la tête pouilleuse de RDDV. On est plus (agréablement) surpris par la combativité de Bayrou et Boutin. La lecture des débats est instructive:

http://www.assemblee-nationale.fr/12/cra/2005-2006/172.asp#P48_539

Les mesures finalement adoptées pour interdire le contournement des mesures techniques de protection tout en prévoyant des exceptions pour interopérabilité elles-mêmes restreintes pour devenir impratiquables, représentent un monument de jésuitisme et de servilité devant les demandes de l'industrie. C'est ce qu'il y a de plus indéfendable dans le texte finalement adopté... et il est peu probable que tout cela ne soit pas à tout le moins écorné par un recours devant le conseil constitutionnel.

La principale qualité de cette loi scélérate, c'est qu'elle est totalement inapplicable en pratique -- et il faut rendre grâce aux députés de droite qui l'ont parsemée d'amendements accentuant l'impossibilité de l'appliquer. Il aurait été plus courageux de leur part de voter contre, mais reconnaissons que leur hypocrisie en la matière était parfois bien intentionnée: il s'agissait de permettre à RDDV de sauver la face sans pour autant se soumettre servilement aux diktats de Vivendi, Apple et Microsoft. Ces derniers ont gagné un peu d'insécurité juridique, qui va leur permettre de maintenir quelques mois de plus un modèle économique dépassé... mais sans l'ombre d'un doute, il est condamné à terme. Cette loi fera des dégâts, mais ce n'est pas la fin du monde. Le logiciel libre n'en sera pas durablement affecté. Il lui faudra seulement apprendre à intégrer une certaine dose d'hypocrisie, à faire circuler sous le manteau des bouts de code publiés sur des serveurs albanais... Ce ne sera même pas difficile. Juste un peu puéril.

--
Poil de lama

19 mars, 2006 11:49  
Anonymous Anonyme a écrit...

"Soyons clair : aujourd'hui, la vente de musique enregistrée ne représente qu'une petite proportion des revenus des musiciens qui vivent essentiellement des concerts. La musique enregistrée fait surtout vivre les maisons de disque, ce qui explique leur attitude dans ce débat."
Eh bien, mon vieux Didier, ça c'est une vraie connerie. C'est de la même rigueur intellectuelle que "les Juifs contrôlent les banques" ou "les Africains sont des fainéants".
Et Robert Wyatt? Et Hector Zazou? Et les musiciens de l'électro? Et Gérard Manset? Et Jean-Jacques Goldman? Bon cas, ça, Jean-Jacques Goldman: il ne fait plus de scène mais vend des disques à la tonne, mais il est toujours immensément populaire, mais il est en activité créatrice... D'où pioches-tu que le disque serait "une petite partie des revenus" de ces gens QUI NE FONT PAS DE SCENE?
C'est de la pensée macroéconomique à la louche, de la pensée George Bush et rien d'autre: peu importent les millions de pauvres supplémentaires puisque globalement l'économie crée des richesses! Ce que tu profères sur les musiciens est de la même eau: c'est pas grave que le droit d'auteur disparaisse, ils n'ont qu'à toucher des cachets en jouant dans les pizzerias. D'ailleurs, tu peux me dire, dans ton cas personnel, si tu touches plus d'argent en faisant de la scène que par la Sacem?
Et puis quelles sont tes sources sur les "musiciens qui vivent essentiellement des concerts"? Un doigt mouillé levé en l'air, ton pifomètre perso, le nasographe de Boutin? Ne bégaye pas qu'il y a des sources: il n'y en a pas, j'ai cherché, justement. Et, là-dessus, personne n'en sait rien parce qu'il faut additionner des choux, des carottes et des pelleteuses pour arriver à un total macroéconomique dans lequel on additionne Mozart, le groupe de rock du coin, NRJ et les sonneries de portables. Il n'y a là-dessus AUCUNE SOURCE FIABLE ET HONNETE. Ou alors indique-là nous, tous les journalistes du secteur seront bien intéressés...
Cette assertion sur les "musiciens qui vivent essentiellement des concerts" est seulement une connerie (plutôt mal intentionnée, d'ailleurs) qui court les blogs. Ce n'est pas du journalisme, sorry.
C'est comme sur le pactole que touchent les maisons de disques: Crammed dépose son bilan dans qqs jours, F Comm, Cobalt, Mélodie, MSoft, Le Maquis, Coup Franc, Rym, Tricatel l'ont fait ces derniers mois - que des labels créatifs, courageux, utiles à la musique. Pendant ce temps, EMI, Universal et Warner ont rétabli leurs marges (en virant entre 30 et 50% de leur personnel au passage) malgré la crise. Le téléchargement pirate TUE LES PETITS LABELS INDEPENDANTS, pas les grosses boîtes. Mais, évidemment, c'est trop subtil pour le public des blogs, si je comprends bien...

02 avril, 2006 19:31  
Blogger DS a écrit...

Ouh là, là ! Un peu énervé le Bertrand !
Voyons voir.
Même si je considère ce blog comme un espace de liberté en marge de mon activité de journaliste, je n'ai pas l'habitude de colporter des rumeurs ni d'utiliser mon "piformètre perso" comme source d'information.
1. Tout le monde s'accorde pour dire qu'il est difficile de chiffrer le nombre de groupes qui vivent de la scène. Mais en fouillant un peu, on arrive facilement à se faire une idée. Il n'y a qu'à jeter un coup d'oeil au bouquin de Pierre Coulangeon, Les musiciens interprètes en France : portrait d’une profession, paru l'an dernier à La documentation Française, pour apprendre que la musique enregistrée ne représente qu’une faible part de l’activité des musiciens et que "le spectacle vivant représente plus de 75% de leur activité", comme le précise le compte-rendu du ministère de la Culture. Comme pifomètre, on fait mieux.
Je pourrai aussi citer le rapport "L’impact d'Internet et des TIC sur l’industrie de la musique enregistrée" : "les auteurs-compositeurs et les interprètes disposent généralement d'autres sources de revenus que les royalties de la musique enregistrée : ils tirent des spectacles vivants (concerts) des revenus importants et qui sont aujourd'hui en croissance."
Je m'étonne que tu ne connaisses pas ces sources...
2. Tu me cites une poignée de musiciens qui vendent plus de disques qu'ils ne font de scène. Je n'ai jamais contesté cette situation. Mais elle me semble marginale. D'ailleurs, tu cites Goldmann, qui est loin d'être le musicien lambda... Avec sa carrière, sa quantité de tubes et ses compositions pour d'autres interprètes, il n'est pas le plus à plaindre et ne me semble pas particulièrement représentatif des 25 000 musiciens qui existent en France.
3. Je n'ai jamais prétendu qu'il fallait abolir le doit d'auteur (qu'est-ce que c'est que ce procès d'intention ?). Je pense simplement que la loi Dadvdsi est mal fichue: non seulement elle ne répond absolument pas aux enjeux actuels, mais elle ne vient en aucun cas au secours du droit d'auteur. Je voudrais bien qu'on m'explique comment une amende payée au Trésor Public, pour téléchargement illégal, pourrait enrichir la production de musique en France...
4. Tu me cites des maisons de disques qui ferment... Bien. Est-ce nouveau ? Barclay, Polydor, Island et d'autres ont disparu (ou ont été rachetées) il y a belle lurette quand on ne parlait pas encore d'Internet. La seule vraie question, c'est plutôt de savoir si le modèle économique des maisons de disque est adapté à la nouvelle donne numérique. Et là, je suis désolé, mais la réponse est définitivement non. Simplement, au lieu de chercher de nouvelles pistes, lesdites maisons de disques s'arc-boutent sur des méthodes du passé, adoptent une attitude littéralement réactionnaire et foncent droit dans le mur. Si leur métier est en voie de disparition, n'en sont-ils pas un peu responsables ?

03 avril, 2006 09:58  
Anonymous Anonyme a écrit...

Je ne sais pas qui est ce M. DIcale, mais son ignorance est à la hauteur de son ton péremptoire et insultant pour des milliers d'artistes dont je me flatte de faire partie.
J'en profite pour confirmer que la majorité de mes revenus proviennent de mes spectacles (j'ai la chance de composer des musiques pour des pièces de théatre et des manifestations culturelles), sans pour autant "toucher des cachets en jouant dans une pizzeria", comme l'écrit avec malveillance ce monsieur.
Il se trouve que la majorité des musiciens, interprètes et auteurs sont opposés à la loi sur le droit d'auteur pour la bonne raison qu'elle ne tient en aucun cas compte des spécificités de nos métiers. Ce qui n'est une découverte pour personne, vu la manière dont ce même gouvernement traite les intermittents du spectacle. A l'exception d'une poignée de sociétés d'auteurs et surtout de la totalité des "industriels de la musique" (quelle belle définition pour notre activité artistique !), tout le monde sait que cette loi ne fera qu'entériner la mainmise des quatre multinationales (Universal, Sony-BMG, EMI et Warner) sur la diffusion de la musique, y compris dans les salles de spectacles, ce qu'explique l'auteur de ce site et qui est d'ailleurs le sens de notre action au sein du SAMUP (www.samup.org). Voyez notre position ici : http://samup.synd.free.fr/download/droit%20auteur.pdf.
Comme de nombreux musiciens, j'estime que mes oeuvres sont faites pour être écoutées et diffusées le plus largement possible. Or, cette loi qui pénalise les consommateurs (fin de la copie privée, amendes, suspicion d'utilisation déloyale, etc...) et qui oblige les amateurs de musique à acheter les appareils et les logiciels aux normes dictées par les "industriels de la musique" ne fera que renforcer la fracture numérique entre les riches et les pauvres. Nous sommmes résolument attachés à la liberté et c'est pourquoi nous ne pouvons accepter une réglementation qui nous empêcherait de diffuser notre musique sous des licences libres. Je ne peux qu'approuver l'auteur de ce site quand il affirme que les amendes ne serviront jamais à rémunérer les musiciens pillés par le téléchargement illégal. Cette situation est évidemment problématique. Il est important de trouver une parade. Mais pas n'importe laquelle. Un peu plus d'imagination et surtout de concertation avec les principaux intéressés n'aurait pas fait de mal...

03 avril, 2006 16:35  
Anonymous Anonyme a écrit...

Le fameux monsieur Dicale qui acuse les autres de "connerie" et donne des leçons de journalisme est connu : il est spécialiste des critiques de films qu'il n'a pas vu (http://www.eclairages.com.fr/index.php?action=article&id_article=243178), ce qui en dit long sur les compétences qu'il peut avoir et sur sa conception du journalisme... On voit sa signature dans le Figaro, dans Chorus, sur rfimusique.com ou dans le Monde de la musique. On le voit aussi des fois à la TV. Sa position sur la loi DAVDSI n'a rien de surprenant quand on sait qu'il émarge aussi au ministère de la culture, où il préside une commission budgétaire (!) ... Alors, pour avoir un avis sur la question, c'est un spécialiste.

MMt

05 avril, 2006 14:55  
Blogger DS a écrit...

Bon. On se calme sur ce sujet, qui évidemment appelle toutes sortes de réactions, mais en aucun cas des attaques personnelles. Ma seule ambition était de faire part de mon point de vue et d'attirer vos commentaires sur le sujet, à savoir la loi Davdsi. Bertrand Dicale a réagi un peu abusivement, comme on dit, mais à sa décharge je plaiderais pour le manque d'expérience des blogs. C'est vrai que j'ai mal encaissé ses termes de "connerie", de pifomètre et ses critiques sur ma pratique du journalisme. Je lui ai répondu. On en reste là. Pas la peine de me rapporter tous les faits et méfaits de Bertrand, qui reste mon ami.

05 avril, 2006 15:19  
Anonymous Anonyme a écrit...

Je crois que Bertrand est victime de la désinformation ambiante sur tous ces sujets, dont la BPI (British Phonographic Industry) vient de fournir un très bel exemple. Cf. Peer-to-peer : qu’on arrête de nous raconter des sornettes !

06 avril, 2006 15:31  

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